Cette semaine, nous continuons d’analyser l’actualité financière en mettant en avant la dimension cash. Le point que nous aimerions souligner est le biais « M&A » des marchés financiers. En effet, nous assistons à une vague sans précédent de « deals » acceptés, en cours, ou même refusés par les autorités en charge de la concurrence.
Volume annuel de M&A
Le graphique suivant montre le volume annuel de M&A (en USD) ces dernières années. 2014 était déjà la meilleure année après 2007 (plus de $4000bn).
2015 devrait être supérieur à 2014 avec près de $2500bn alors que la mi année n’est pas atteinte :
Explication du phénomène de croissance
Plusieurs explications à ce phénomène mais deux sont liées au cash :
- Les conditions de refinancement sont très attractives en Europe. Ce qui fait des entreprises européennes des cibles parfaites pour les groupes étrangers (encore le cas avec l’annonce de l’offre de Monsanto sur Syngenta pour $45bn),
- Les conditions le sont moins aux Etats-Unis désormais avec la fin du « Quantitative Easing » et les attentes d’une normalisation de la politique monétaire du FED*. Avec à la clé la reprise d’un cycle de hausse des taux en Septembre ou Décembre.
Cette situation pousse les entreprises américaines à utiliser au mieux cette dernière fenêtre d’opportunité à l’image de 2014 alors que la tension des taux fin 2013 avait accélérer le mouvement. Nous sommes dans la même situation actuellement (cf graphique ci dessous sur l’évolution du 10Y américain).
*banque centrale américaine
Le « leverage »
L’autre condition relative au cash est la situation bilantielle très saine des entreprises après de nombreuses années de restructurations. Ce confort fait écho à la volonté de se « leverager » au mieux. Et au maximum, de bénéficier de ces conditions de financement exceptionnelles.
Le « leverage » passe du coté des actionnaires puisque tous les « deals », sont relutifs sur les bénéfices des entreprises dès les premières années de l’intégration. Une évidence quand on se finance à « zéro ». En France, le modèle américain est appliqué à la lettre par P.DRAHI, « executive chairman » d’ALTICE. Il ne cesse d’ailleurs de faire grossir son entreprise à coup d’acquisitions et de « leverage ». Sa dernière tentative sur BOUYGUES TELECOM datant de cette semaine (offre de E10bn) l’illustre.
Rappelons que la maison mère de Numéricâble-SFR devrait voir son « leverage » (ND/EBITDA) passer de 4.1 à 4.6 en fin d’année. Du fait notamment de l’acquisition de Portugal TELECOM pour E7.4bn en début d’année. Une acquisition qui fait suite à celles de Virgin Mobile, SFR et qui sera suivie dans les comptes de l’américain Suddenlink pour une EV de $9.1bn. L’offre a été officialisée en mai 2015. ALTICE joue d’ailleurs sur tous les niveaux avec un « leverage » à tous les étages de la holding : ALTICE 4.6, ALTICE International 3.7 et Numericable-SFR 3.6. Les « guidance » du management sont 4.0-4.5 au niveau d’ALTICE et 3.0-4.0 au niveau des filiales.
Une stratégie M&A
Par conséquent, dans une stratégie de M&A et de « releverage », la gestion du cash est clé afin d’accompagner le « deleverage » de la structure une fois l’intégration faite. ALTICE est d’ailleurs un cas intéressant. Puisque la problématique du cash a conduit le groupe à inclure dans les 7.4bn d’Entreprise Value de PT des éléments « non cash ». Soir 500m d’ « earn-out » et 1.3bn de « post-retirement liabilities ».
La question que nous devons nous poser est désormais : le « M&A spree », cette folie acheteuse, est-elle créatrice de valeur ?
Le « convertible bond »
Pour terminer, nous aimerions revenir sur les conditions de refinancement exceptionnelles que nous vivons actuellement en Europe avec un exemple de la semaine passée. AIRBUS émet un « convertible bond » avec un rendement négatif pour 7 ans à 28bp. L’Etat français rémunère 0.66% sur cette période dans le même temps. Et une prime, c’est-à-dire le niveau où la convertible peut se transformer en actions, 62% au dessus du cours de référence actuel.
Le coût de cette prime, cette option en fait, est près de 100bp par an pour le porteur, soit un niveau proche de E100 compte tenu de l’ « opening price » le jour de l’annonce (E61.4). Au final une aubaine pour AIRBUS et des investisseurs loin, très loin de faire une bonne affaire.
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